Des adaptations au droit européen en matière de droit du travail et de droit des affaires

La loi 2023-171 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne (DDADUE) du 9-3-2023 comporte plusieurs mesures de mise en conformité du droit national avec le droit de l’Union européenne, notamment dans les domaines du droit du travail et du droit des affaires.

Mesures sociales

En matière de droit du travail, la loi DDADUE vise à transposer les directives (UE) nos 2019/1158, concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants, et 2019/1152 du 20-6-2019, relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles.

Congé de paternité et d’accueil de l’enfant

Assimilé à une période de travail effectif pour la détermination des droits liés à l’ancienneté. Depuis le 11-3-2023, la durée du congé de paternité et d'accueil de l'enfant est assimilée à une période de travail effectif pour la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté. Le salarié conserve le bénéfice de tous les avantages qu'il avait acquis avant le début du congé de paternité (Loi art. 18, I-1° ; C. trav. art. L 1225-35-2 nouveau).

À noter. Le Code du travail considère déjà les périodes de congé de paternité et d’accueil de l’enfant comme des périodes de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés (C. trav. art. L 3141-5, 2°). Mais, cette règle va plus loin en assimilant la période de congé de paternité à une période de travail effectif pour l’acquisition de tous droits liés à l’ancienneté du salarié. En conséquence, la durée du congé de paternité doit désormais être prise en compte pour calculer les droits du salarié liés à son ancienneté. Il peut désormais reporter les congés payés acquis avant son départ en congé de paternité même si la période de prise des congés s'est achevée pendant sa période d'absence, et ainsi ne pas perdre de droit à congés payés.

Assimilé à une période de présence pour la répartition de la participation. Depuis le 11-3-2023, le congé de paternité et d’accueil de l’enfant est assimilé à une période de présence dans l'entreprise pour la répartition de la réserve spéciale de participation (RSP) entre les salariés, quel que soit le mode de répartition retenu par l’accord de participation, tout comme les congés de maternité, d’adoption et de deuil (Loi art. 18, I-5° ; C. trav. art. L 3324-6, 1° modifié). La durée de présence est constituée par les périodes de travail effectif, auxquelles s'ajoutent les périodes non travaillées ou d’absence légalement assimilées à du travail effectif et rémunérées comme tel.

À noter. Le congé de paternité n’est pas assimilé à une période de travail rémunérée en cas de répartition de la RSP proportionnelle aux salaires, comme il l’est pour l'intéressement (C. trav. art. R 3314-3).

Congé parental d’éducation

Condition d’ancienneté pour son bénéfice plus favorable. Depuis le 11-3-2023, pendant la période qui suit l'expiration du congé de maternité ou d'adoption, tout salarié justifiant d'une ancienneté minimale d'une année a le droit à un congé parental d'éducation durant lequel son contrat de travail est suspendu, ou à la réduction de sa durée de travail, sans que cette activité à temps partiel puisse être inférieure à 16 heures par semaine (Loi art. 18, I-2° ; C. trav. art. L 1225-47 modifié).

Ainsi, pour bénéficier d’un congé parental d’éducation à temps plein ou d’une réduction du temps de travail (à temps partiel), le salarié n’a plus à justifier d'une ancienneté dans l’entreprise d’au moins 1 an à la date de naissance de son enfant ou de l’arrivée à son foyer de l’enfant qu’il a adopté. Les parents ayant acquis cette ancienneté après la naissance ou l’adoption de leur enfant peuvent prendre un congé parental d’éducation ultérieurement.

Détermination des droits liés à l’ancienneté et maintien des avantages acquis. Depuis le 11-3-2023, la durée du congé parental d'éducation à temps plein est prise en compte pour moitié pour la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté. Lorsqu'un salarié réduit son temps de travail dans le cadre d'un congé parental d’éducation, la durée de ce congé à temps partiel est entièrement assimilée à une période de travail effectif pour la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté. Le salarié conserve le bénéfice de tous les avantages qu'il avait acquis avant le début de son congé parental (Loi art. 18, I-3°-a et b ; C. trav. art. L 1225-54 modifié). Cela lui permet de pouvoir reporter les congés payés acquis avant son départ en congé parental d'éducation même si la période de prise des congés s'est achevée pendant sa période d'absence et de ne pas perdre de droit à congés payés.

Congé de présence parentale

Détermination des droits liés à l’ancienneté et maintien des avantages acquis. Depuis le 11-3-2023, la durée du congé de présence parentale est prise en compte en totalité pour la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté dans l'entreprise. Le salarié conserve le bénéfice de tous les avantages qu'il avait acquis avant le début du congé (Loi art. 18, I-4° ; C. trav. art. L 1225-65 modifié). Cela lui permet également de pouvoir reporter les congés payés acquis avant son départ en congé de présence parentale même si la période de prise des congés s'est achevée pendant sa période d'absence et de ne pas perdre de droit à congés payés.

Fin des périodes d’essai conventionnelles plus longues

Rappel. Le contrat de travail à durée indéterminée (CDI) peut comporter une période d'essai dont la durée maximale est fixée à 2 mois pour les ouvriers et les employés, à 3 mois pour les agents de maîtrise et les techniciens et à 4 mois pour les cadres (C. trav. art. L 1221-19). Cette période d'essai peut être renouvelée une fois si un accord de branche étendu le prévoit et fixe les conditions et les durées de renouvellement. La durée maximale de la période d'essai, renouvellement compris, ne peut pas dépasser 4 mois pour les ouvriers et employés, 6 mois pour les agents de maîtrise et techniciens et 8 mois pour les cadres (C. trav. art. L 1221-21). Ces durées des périodes d'essai sont impératives, sauf si :

  • des durées plus longues ont été prévues par des accords de branche conclus avant le 26-6-2008 ;
  • des durées plus courtes sont fixées par des accords collectifs conclus après le 26-6-2008 ;
  • des durées plus courtes sont fixées dans la lettre d'engagement ou le contrat de travail (C. trav. art L 1221-22).

Suppression des durées maximales de périodes d’essai de branche plus longues. La dérogation permettant aux accords de branche étendus conclus avant le 26-6-2008 de fixer des durées maximales de périodes d'essai supérieures aux durées légales sera supprimée à compter du 9-9-2023 (6 mois après la promulgation de la loi DDADUE, Loi art. 19, I-2° et II ; C. trav. art. L 1221-22 nouveau). Les branches professionnelles ont jusqu’au 8-9-2023 pour mettre en conformité leurs accords de branche relatifs à la durée maximale de la période d’essai.

Information du salarié sur les éléments de la relation de travail

La loi DDADUE prévoit que l'employeur doit remettre au salarié un ou plusieurs documents écrits contenant les informations principales relatives à la relation de travail. Un décret doit fixer les modalités d'application de cette obligation, notamment la liste des informations devant figurer dans les documents écrits à remettre au salarié (Loi art. 19, I-1° ; C. trav. art. L 1221-5-1 nouveau).

Si le salarié ne reçoit pas ces informations, il doit mettre en demeure son employeur de lui communiquer les documents requis ou, le cas échéant, de compléter les documents remis. Il ne peut saisir le juge pour obtenir ces informations qu’après avoir mis en demeure son employeur de les lui remettre.

Dès la publication par décret de la liste de ces informations, les salariés dont le contrat de travail est en cours au 9-3-2023 peuvent demander à leur employeur de les leur fournir ou de les compléter selon des modalités fixées par décret (Loi art. 19, II, al. 2).

Droit à l’information des salariés en CDD et des intérimaires sur les postes à pourvoir en CDI

Lorsqu’un salarié en contrat de travail à durée déterminée (CDD) justifiant d'une ancienneté continue d'au moins 6 mois dans l'entreprise le lui demande, l’employeur a l’obligation de l’informer des postes en CDI à pourvoir au sein de l'entreprise (Loi art. 19, I-3° ; C. trav. art. L 1242-17 modifié).

De même, si un salarié temporaire justifiant d'une ancienneté continue d'au moins 6 mois dans l'entreprise utilisatrice le lui demande, l’employeur a l’obligation de l'informer des postes en CDI à pourvoir au sein de l'entreprise (Loi art. 19, I-4° ; C. trav. art. L 1251-25 modifié). Un décret doit fixer les modalités d'application de cette obligation.

 

Mesures en droit des affaires

Perte de plus de la moitié du capital social et dissolution

Lorsque le montant des capitaux propres d’une société devient inférieur à la moitié du capital social, une consultation des associés (SARL) ou actionnaires (SA, SAS, SCA) doit être organisée, dans les 4 mois qui suivent l'approbation des comptes ayant fait apparaître la perte, afin qu’ils se prononcent sur la dissolution anticipée ou non de la société.

Si la dissolution est écartée, la société poursuit son activité mais elle a, jusqu’à la clôture du 2e exercice suivant celui au cours duquel les pertes ont été constatées, pour reconstituer ses capitaux propres à un niveau au moins égal à la moitié du capital social. À défaut, le capital doit être réduit d’un montant au moins égal à celui des pertes qui n’ont pu être imputées sur les réserves. Si la société n’a pas régularisé sa situation dans le délai de 2 ans, tout intéressé peut demander au tribunal de commerce de prononcer sa dissolution (C. com. art. L 223-42 pour les SARL ; art. L 225-248 pour les sociétés par actions).

Cette sanction (dissolution) étant plus sévère que ce que prévoit le droit européen, la règle est aménagée afin d’éviter un risque de dissolution excessif des sociétés dont les capitaux propres sont inférieurs à la moitié du capital social.

Désormais, la société doit, toujours dans le délai de 2 ans, soit reconstituer ses capitaux propres à concurrence d’une valeur au moins égale à la moitié du capital social, soit réduire son capital social pour que les capitaux propres atteignent au moins la moitié du capital social.

Si les capitaux propres de la société n’ont pu être reconstitués à hauteur de la moitié du capital social alors que celui-ci est supérieur à un seuil (qui sera fixé par décret en Conseil d’État en fonction de la taille du bilan de la société), la société devra, dans un nouveau délai de 2 exercices comptables, réduire son capital social afin de le ramener à une valeur inférieure ou égale à ce seuil. Si cette réduction est faite, la dissolution ne sera pas encourue malgré le fait que les capitaux propres ne soient pas égaux ou supérieurs à la moitié du capital social.

Commande publique et candidats exclus

En application du Code de la commande publique, les candidats à la passation d’un contrat de concession ou à l’attribution d’un marché public peuvent être exclus de cette procédure lorsqu’ils ont commis certaines infractions. En fonction des motifs, l’exclusion est facultative (conflit d’intérêts, entente, etc.) et, dans ce cas-là, laissée à l’appréciation de l’autorité concédante ou de l’acheteur, ou de plein droit (notamment condamnation pénale définitive pour blanchiment, escroquerie, abus de confiance, acte de terrorisme, fraude fiscale, entre autres ou recel de ces infractions – CCP art. L 2141-1 pour les marchés publics et art. L 3123-1 pour les contrats de conces­sion – ; manquement de l’entreprise à ses obligations fiscales et sociales, etc.). La personne morale candidate est également exclue de plein droit si son dirigeant a été condamné définitivement pour l’une des infractions pénales précitées.

Or, deux directives européennes du 26-2-2014 (article 38 § 9 de la directive 2014/23 pour les contrats de concession et article 57 § 6 de la directive 2014/24 pour les marchés publics) prévoient que tout opérateur économique ayant commis de telles infractions peut fournir des preuves attestant que les mesures qu’il a prises suffisent à démontrer sa fiabilité malgré l’existence d’un motif d’exclusion (facultatif ou obligatoire). Si ces preuves sont jugées suffisantes, le candidat n’est alors pas exclu de la procédure de passation du marché ou de la concession.

Bien que ces deux directives aient été transposées en droit français dans le Code de la commande publique, ce dispositif dit « d’auto-apurement » ne l’a pas été, que ce soit pour les marchés publics ou les contrats de concession. C’est pourquoi le Conseil d’État, après avoir interrogé la Cour de justice de l’Union européenne sur l’interprétation qu’il convenait de retenir de l’article 38 de la directive 2014/23, a récemment jugé que l’article L 3123-1 du Code de la commande publique était incompatible avec cet article 38, car il ne permettait pas à un candidat à un contrat de concession, condamné par un jugement définitif pour infraction pénale, d’apporter la preuve qu’il a pris des mesures correctrices démontrant le rétablissement de sa fiabilité (CE 12-10-2020 n° 419146).

La décision du Conseil d’État étant transposable aux marchés publics (règles d’exclusion analogues), la loi met par conséquent en conformité le Code de la commande publique avec les directives 2014/23 et 2014/24 en permettant dorénavant à un candidat à l’attribution d’un marché public ou d’un contrat de concession de fournir des preuves établissant qu’il a pris des mesures de nature à démontrer sa fiabilité, notamment en établissant qu’il a, le cas échéant :

  • entrepris de verser une indemnité en réparation du préjudice causé par l'infraction pénale ou la faute ;
  • clarifié totalement les faits ou les circonstances en collaborant activement avec les autorités chargées de l'enquête ;
  • qu'il a pris des mesures concrètes propres à régulariser sa situation et à prévenir une nouvelle infraction pénale ou une nouvelle faute.

Ces mesures sont évaluées en tenant compte de la gravité et des circonstances particulières de l'infraction pénale ou de la faute.

Si l’acheteur ou l'autorité concédante estime que ces preuves sont suffisantes, la personne concernée n'est alors pas exclue de la procédure de passation du marché ou du contrat de concession et peut candidater.

Cette disposition s’applique également en cas de motif d’exclusion facultatif.

À noter que :

  • le candidat condamné à une peine d'exclusion des marchés publics ne peut pas se prévaloir de ce mécanisme d’auto-apurement pendant la période d'exclusion fixée par la décision de justice définitive ;
  • le candidat ne peut pas être exclu de la procédure s’il a obtenu un sursis, un ajournement du prononcé de sa peine ou un relèvement de sa peine.

 

Transport de marchandises ou de personnes et péages autoroutiers

La directive européenne 2022/362 du 24-2-2022, qui a modifié les dispositions de la directive « Eurovignette » relative à la taxation des véhicules pour l’utilisation d’infrastructures routières, est transposée en droit français dans le Code de la voirie routière (art. L119-11 à L 119-13).

Ainsi, les péages applicables aux véhicules de transport routier de marchandises ou de personnes dont le poids total autorisé en charge (PTAC) est supérieur à 3,5 tonnes doivent désormais être modulés en fonction de la classe d’émissions de CO2 du véhicule. Ils peuvent également être modulés en fonction du moment de la journée, du type de journée ou selon la saison afin de réduire la congestion et les dommages causés aux infrastructures, pour optimiser l'utilisation des infrastructures ou pour promouvoir la sécurité routière. Jusqu’au 31-3-2025, les véhicules à émission nulle peuvent bénéficier d’une exonération ou de réductions de ces péages (dans des conditions qui seront fixées par décret).

Ces péages sont par ailleurs majorés de la redevance pour coûts externes liée à la pollution atmosphérique due au trafic, sauf pour les véhicules relevant de la norme européenne d’émission « Euro » la plus stricte pendant les 4 années suivant l'entrée en vigueur de cette classification.

La loi prévoit néanmoins la possibilité de ne pas appliquer cette redevance si celle-ci a pour effet de détourner les véhicules les plus polluants sur les autres réseaux routiers, entraînant ainsi des conséquences négatives en termes de sécurité routière et de santé publique.

Un décret doit préciser les conditions d’application de ces dispositions, qui ne s’appliquent qu’aux contrats de concession signés après le 24-3-2022.

L’ordonnance 2021-659 du 26-5-2021 permettant à la collectivité européenne d’Alsace d’instaurer une taxe sur le transport routier de marchandises recourant à certaines voies de son domaine public routier est également mise en conformité avec la directive « Eurovignette ».

Accessibilité des produits et services aux personnes en situation de handicap

À compter du 28-6-2025, sauf exceptions, les entreprises devront mettre sur le marché des produits et fournir des services conformes aux exigences d’accessibilité aux personnes handicapées (commerce électronique, livres numériques, notamment). Un décret fixera la liste précise de ces produits et services ainsi que les obligations applicables à ces entreprises. Celles fournissant des services (C. cons. art. L 412-13, I) ou des livres numériques ou des logiciels permettant la lecture de ces livres (Loi 2005-102 du 11-2-2015 modifiée) seront dispensées de ces exigences dès lors qu’elles emploient moins de 10 salariés et que leur chiffre d’affaires annuel ou leur total de bilan n’excède pas 2 M€.

 

Loi 2023-171 du 9-3-2023 art. 18, 19, 14, 15, 31 et 16, JO du 10

© Lefebvre Dalloz

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